Prix international 2025 du poète résistant décerné à Hawad

Prix international 2025 du POETE RESISTANT

décerné à HAWAD,

poète amajagh (touareg)

Prix international du poète résistant, Mouans-Sartoux, 2025
Prix international du poète résistant, Mouans-Sartoux, 2025

Hawad a choisi d’écrire dans sa langue, la tamajaght (famille linguistique amazighe) qu’il note en alphabet touareg, les tifinagh. Son œuvre poétique a été publiée et traduite dans de nombreuses langues.  A l’occasion de la remise du prix du poète résistant, son dernier recueil Fiel de Cuivre, paru en 2024 aux Editions La Rumeur Libre en traduction française, a été présenté le 4 octobre 2025 au Festival du Livre de Mouans-Sartoux, avec la lecture d’extraits poétiques à trois voix – en tamajaght et en traduction française – accompagnées par deux musiciens.

Fiel de cuivre, traduit de la tamajaght (touareg) par l’auteur et Hélène Claudot-Hawad

Extrait de l’introduction d’Hélène Claudot-Hawad

Fiel de cuivre s’ouvre sur un paysage de feu, de fer et de « terreur en rage fatras désolation » qui prolonge le décor cataclysmique d’autres ouvrages de Hawad comme Sahara, Visions atomiques (2003), Irradiés (2015) ou Vent Rouge (2020). L’être humain n’a plus de place dans cet univers en ébullition où tout brûle et se confond dans un magma gris de cendres en proie aux tourbillons, aux spasmes et aux convulsions de la terre.

« Cette terre rouge est blessure »

Une fois de plus, l’auteur anticipe les désordres écologiques et humains qui bouleversent le monde. Sa vision s’ancre dans l’expérience traumatique du pays touareg dévasté par l’annexion coloniale du Sahara, par la violence de la répression contre les mouvements de résistance, par les essais atomiques français menés entre 1960 et 1966 dans l’Ahaggar au sud de l’Algérie coloniale puis postcoloniale, par la création de frontières pour des Etats à l’indépendance fictive, par le cisaillement du territoire touareg entravant la mobilité nourricière de l’économie nomade, par les soutiens internationaux aux prédateurs politiques des nouveaux Etats, par le développement du tout sécuritaire étouffant le peuple et ses aspirations à la vie, par le pillage des ressources minières de leur désert.

Résister à l’aliénation

Comment résister à l’anéantissement, à l’inexistence de soi, à la disparition d’un pays entier et de ses habitants rendus invisibles par les puissances mondiales et étatiques centrées sur leurs intérêts géopolitiques et leurs profits économiques immédiats ? Que faire face au chaos ?

Hawad refuse le mirage de l’eldorado promu par les vainqueurs, comme il refuse la momification des vaincus. Malgré les entraves, il s’agit d’avancer même en rampant, d’exister au- delà de l’existence en mobilisant l’imaginaire et tous les moyens dérisoires des vaincus. Pour lutter contre l’écrasement, l’idée est de partir de sa vulnérabilité, de son handicap, de sa relégation, en somme de sa nuit sans plus attendre le jour qui ne viendra pas.

Furigraphie

La « furigraphie » (zardazghanab) est la démarche créative inventée par Hawad pour échapper à l’enfermement. Elle opère la fusion improbable entre tous les « débris de rien» – ceux qui grouillent, qui rampent, qui ponctuent la parole, qui orientent le sens des mots, ceux qui ont perdu leur forme initiale ou qui n’existent plus. Elle en fait des «brigades de squatteurs rampant /en quête de toute forme où enrouler / leurs jambes d’algues et de chenilles / et déchaîner les frappes virgules ponctuation / points entortillements mauvais caractères / démarches à l’envers zigzag / démangeaisons allergie ».

On retrouve ici un thème obsessionnel chez le poète Hawad, la nécessité de dépasser les bornes de tout cadre nécessairement restrictif, associé au motif du regard, du souffle ou de l’ombre. Ces derniers, affranchis du corps, taillent des issues incontrôlables face au désastre. « Ce que je recherche, dit-il, c’est l’ombre qui a pu s’extraire du moule de la forme définie, l’ombre ou la vapeur qui s’est émancipée d’un carcan aux limites fixes. Cette ombre a des contours mouvants, elle peut évoquer les choses de façon assez large, assez floue, assez ouverte, pour entrer dans l’espace infini de l’imaginaire. »

Hawad, Lecture de Fiel de cuivre avec Patrick Quiller, Hélène Claudot-Hawad, Miquéu Montanaro… 4 octobre 2025, Mouans-Sartoux