Sahara. Visions atomiques

Paris-Méditerranée, Paris, 2003. [info]Tirage épuisé[/info]

Description

Evénements traumatiques, meurtrissures des âmes, blessures des corps, abcès purulents d’un mal aux multiples figures… Ce texte met en scène les cauchemars qui hantent l’esprit des Touaregs portant le fardeau de la mémoire. Juxtaposition de mémoires de la pénétration coloniale jusqu’aux expérimentations atomiques menées par la France au Sahara, entre 1960 et 1967 avec l’accord de l’Algérie indépendante .

Frénétique, halluciné, cathartique, délirant, le rythme de ces visions atomiques suit les ondulations de la transe jusqu’à  la délivrance, à l’expulsion des scories et à la brèche ouverte par le sens retrouvé de la douleur à partager avec l’autre, l’alter ego, le compagnon qui se reconnaît dans le regard rougi et les contours meurtris des êtres, des choses, des éléments, qu’il croise en traçant son chemin dans le désert.

Arrrrget ! Rêêêêvez !

 

Avant le commencement,

était le rêve.

Avez-vous vu l’image

image rêve

miroir en mirage ?

En voici l’écho !

Rêve

vision rêve

voix des paysages de l’âme

brûlure carbonisée

par la soif de l’agonie.

 

Gerboise bleue,

et gerboise verte

née de la bleue,

gerboise violette

née de la verte,

gerboise blanche

née de la violette,

gerboise jaune

née de la blanche,

gerboise rouge

née de la jaune,

gerboise noire

née de la rouge,

gerboise blême

née de la noire

Et gerboise grise,

la neuvième

fille de la huitième

gerboise blême.

 

Agag gag garet !

Ce n’est plus un jeu innocent

de cache-cache

entre nature et dénature.

Pas plus qu’il ne s’agit

de trois gerboises bondissant

en épis de mirages.

Mirages bleus

mirages verts

mirages violet

avalant six gerboises

transformées en arc-en-ciel

de soufre et de mercure,

qui consument la résine

de leur propre essence.

Non, le jeu dépasse

le faux-semblant cynique,

la poésie militaire

d’ énumération et d’attribution

de matricules aux gerboises

et aux halètements hallucinés

des mirages et du vent du désert.

Nous n’en sommes plus

au temps du mythe,

allégories de la pluie et des moissons

suivies des neuf disettes.

Cette fois le déluge est d’éclairs

de tonnerres et de foudres

de magmas atomiques

et de blocs de soleil

qui se fracassent et explosent

et encore éclatent

dans un cyclone océan fou

de pétrole en flammes

qui hurle au vide mourant.

 

Au début des débuts,

c’était dans l’air.

Un, deux, trois,

l’espace et le temps se figèrent

et ensuite au fond de la terre :

quatre, cinq, six, sept, huit.

À la neuvième explosion,

même le chaos et l’absolu silence

s’affaissèrent

sous la poussière et sous les fumées.

Alors les jeux manies atomiques

du CEA[1] partirent à Mururoa

chez nos frères polynésiens.

 

Et nous,

nous les Touaregs,

nous phéromone de Satan,

d’ici jusqu’au large

du grand désert,

nous nous dressons

infiniment debout

sur la hanche du vide.

 

Le fait accompli,

nous allons à présent le détourner

pour libérer de leurs griffes,

les terres et les étoiles…

[1] Commissariat à l’énergie atomique

Avis

Il n’y a pas encore d’avis.

Soyez le premier à laisser votre avis sur “Sahara. Visions atomiques”